Une hausse des cancers de la thyroïde chez les enfants de Fukushima ? – Science et Avenir – 3 mars 2014

Une étude consacrée à la détection de tumeurs de la thyroïde, menée sur 238.785 enfants de la région, montre un taux 100 fois plus élevé que dans le reste du Japon.

En décembre 2012, Ikuo HIGUTCHI, médecin à l’hôpital Azuma dans la ville de Fukushima. Il pointe un petit kyste de 2 mm issu d’une photo d’une échographie d’un enfant de Fukushima. Photo: Guillaume Bression pour Sciences et Avenir.En décembre 2012, Ikuo HIGUTCHI, médecin à l’hôpital Azuma dans la ville de Fukushima. Il pointe un petit kyste de 2 mm issu d’une photo d’une échographie d’un enfant de Fukushima. Photo: Guillaume Bression pour Sciences et Avenir.

En mai 2013, le comité scientifique de l’ONU a assuré qu’il n’y aura aucune hausse des cancers parmi la population. L’Organisation mondiale de la santé prévoit, elle, une hausse légère des cancers mais uniquement pour les nourrissons de la zone la plus contaminée. Mais un chiffre jette le trouble : les 26 cancers de la thyroïde chez les enfants de Fukushima, auxquels s’ajoutent 32 cas inquiétants.

Des tumeurs détectées parmi les 238.785 enfants qui ont subi, à ce jour, des échographies de la thyroïde, dans le cadre d’une vaste étude épidémiologique pilotée par l’université de médecine de Fukushima. Soit un taux 100 fois plus élevé que pour les enfants du reste du Japon (1).

GLANDE. La thyroïde est une glande dont la sécrétion hormonale contribue à la croissance et au métabolisme énergétique.

En décembre 2012, Sciences et Avenir révélait les premiers résultats de cette étude, qui montrait déjà que 40% des enfants ayant alors subi une échographie présentaient des anomalies de la thyroïde.

Le pic de tumeurs de la thyroïde à Fukushima… “un effet d’optique” ?

Pourtant, l’université assure que ces cancers n’ont aucun lien avec l’accident nucléaire : “Contrairement à Tchernobyl, aucun cas de cancer de la thyroïde n’a été détecté chez de très jeunes enfants “, justifie-t-on. Il s’agirait d’un “effet d’optique”, dû à l’examen systématique de toute une classe d’âge à Fukushima.

À partir de formulaires envoyés aux 2 millions d’habitants de la préfecture (dont 23 % ont répondu), l’université estime en outre que la dose maximale reçue au cours des quatre premiers mois de la catastrophe serait de 25 mSV et que 95 % des habitants de Fukushima auraient reçu moins de 2 mSv. Une dose bien inférieure aux 100 mSV, la dose à partir de laquelle les études (notamment sur les survivants de Hiroshima et de Nagasaki) montrent que les risques de cancer augmentent statistiquement.

Mais dans un pays où les habitants ont plus d’une chance sur 5 d’avoir un cancer avant 75 ans (2), il va certainement être difficile de distinguer les cancers “radio-induits” des autres types de cancers. Une guerre des chiffres, comme à Tchernobyl.

(1) Le taux de cancer de la thyroïde chez les enfants japonais de 10 à 14 ans est de 1 à 2 pour un million.

(2) Chiffre 2012 de l’Agence internationale de la recherche sur le cancer. Le risque d’avoir un cancer avant l’âge de 75 ans est évalué à 21,8 % pour les deux sexes.

Par Marie Linton, au Japon, pour Sciences et Avenir

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